Cleer m’a été prêté par Philippe. Il m’en avait touché deux ou trois mots en finissant par dire ‘tu vas voir quand tu vas commencer à le lire tu ne pourras plus t’arrêter’. Et c’est vrai, j’ai fait une ou deux nuit à lire jusqu’à 2h du matin pendant mes vacances de noël.
Et pourtant mon avis reste partagé. Je vais tenter d’expliquer pourquoi. Mais la difficulté que j’ai à avoir un avis tranché sur le bouquin risque de se retrouver dans mon billet qui va peut-être du coup être un petit poil décousu. Vous êtes prévenus !
Cleer raconte l’histoire de deux salariés cadre très très sup d’un grand groupe, d’un très grand groupe, à la google ou à la apple tel qu’ils pourraient être dans 20 ans. Ils sont embauchés de façon étrange pour bosser dans la division de la Cohésion Interne. Un nom qui fleure bon l’inquisition, le nettoyage des grosses crasses que peut faire leur employeur tellement Cleer is not Evil. Suicides bizarre d’employés, problème environnementaux, sabotage en interne, ils doivent tout pouvoir gérer, réparer, faire disparaître.
Le style choisit est celui de mini-histoires qui sont autant de mission pour nos deux héros et qui mettent en lumière à la fois une facette de la société qui les emploie, de leur personnalité et de leur ‘quête initiatique’. Les héros, parlons en :
- Lui, Vinh asiatique rompu aux arts martiaux (ça fait un peu cliché:) ) , hacker, froid et efficace
- Elle, Charlotte, intelligente et très empathique se fiant à son intuition souvent juste et de plus en plus ‘supranaturelle’ au cours du livre.
Ils forment un duo étrange, se font confiance mais pas totalement, (d’ailleurs elle a bien raison de ne pas lui faire totalement confiance), se manipulent, se font des secrets.
Autour de nos deux héros gravitent d’autres personnages importants. La pluaprt sont des membres du ‘board’ , personnages important même si on ne sait que peu de chose d’eux. Ils sont presque fantomatique, mystérieux, volontairement quasi non-humains. Au delà du board, le groupe Cleer est en lui même un personnage, toujours là, toujours présent, s’immisçant sournoisement partout, dévorant les esprits, le libre arbitre, usant toutes ses forces pour plier la réalité à ce qu’il veut qu’elle soit.
Le bouquin en lui même maintenant. Alors les ficelles sont parfois un peu grosses. Le style est efficace même si parfois un peu froid, clinique. Le choix des mini-histoires permet d’éclairer de plusieurs angles les facettes de chacun des personnages, de bien mesurer leur évolution, mais du coup qui dit mini-histoire dit concision et ‘raccourcis’. Moi qui aime bien les récits qui prennent leur temps, qui décrivent les choses, partent sur des chemins de traverses, juste pour rajouter de la couleur à l’histoire, sur le coup, j’étais un peu sur ma faim. (Si je devais oser une comparaison, je dirais que le style ressemble assez à celui d’un polar, tout dans l’action)
Mais pourquoi vous ai je dit que j’étais mitigé sur mon avis ? Le bouquin est sous titré, une fantaisie corporate. Il y a du coup plusieurs façon de le comprendre et de le lire. Et le style très direct, sans détail autre que ceux de l’histoire, sans indices, sans pistes d’aide à la façon de le comprendre n’aide pas à éclaircir ce flou.
- La première grille de lecture possible est de voir Cleer comme une histoire qui pourrait être (avec un univers légèrement différent) une introduction à l’univers de Shadowrun avec à la fois la naissance d’une megacorporation et l’apparition de chose qui ne sont pas humaine. Pourquoi pas. Dans ce cas là, j’aurais aimé plus de détails concernant la partie fantasy, plus de développement de celle-ci.
- On peut aussi y voir une rencontre entre fantasy urbaine et vie des cadres sups. Une espèce de bitly sans la partie jambe en l’air et fringue mais avec des cadres sups et google.
- La grille de lecture qui me convient le moins serait de considérer que c’est une allégorie new age sur l’élévation ‘spirituelle’ de ceux qui se donnent à fond pour leur entreprise. Mouais, Bof, là je passe.
- Enfin, on peut décider d’y voir décrite la plongée dans la folie et les hallucinations de deux cadres sup workaholics qui sont totalement parties en burnout (et en sucette) et qui se sont démolis à coup de pression, drogues, alcool, cachets divers et variés.
Dans tout les cas, ce qui reste le plus intéressant pour moi dans Cleer, c’est le personnage de la société Cleer en lui même. En effet, il y a une tripotée de bouquin concernant les multinationales telles qu’elles sont aujourd’hui (elles sont déjà parfois assez dégueulasses pour que l’on puisse imaginer des trouzaines de scénarios à ce niveau là). Il y a de la même façon autant de dizaines de douzaines d’histoires parlant de mégacorpo. Que ça soit tout les Gibsons, Blade Runner ou Shadowrun il n’y a qu’à rentrer dans une librairie pour en trouver.
Je connais par contre très peu d’histoire qui se situe entre les deux. Dans un univers proche mais pas immédiat. Et qui décris par la bande l’éclosion d’une future mégacorpo. Le passage de la multinationale sans foi ni loi à la mégacorpo qui écrasera tout sur son passage. Cleer est un de ces bouquins. Et plus encore que l’histoire des deux personnages, plus encore que les différentes grilles de lecture (dont certaines sont fumées), ce que j’ai aimé dans ce livre, c’est ce mélange de fascination et de dégoût viscéral que j’ai ressenti à chaque page, en assistant à la lente éclosion de cette monstruosité qu’est à priori une megacorporation.
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