Je donne un certain nombre d’heures de cours, soit dans des filières en alternance, soit dans des cursus école d’ingé, soit ailleurs. Et qui dit cours dit évaluation des élèves. Au sein de certains des cours que je donne, je dois évaluer les élèves à la fois sur des mini projets qui clôturent les sessions mais aussi sur la totalité de la session. (c’est à dire leur progression, leur capacité d’écoute, leur motivation, leur implication, etc….).
Je tente depuis quelques temps l’expérience de l’auto évaluation. C’est à dire qu’à la fin de la session, je leur demande de s’auto évaluer. Je pose alors les règles suivantes :
- si ils se donnent la même note que moi je leur aurais mis. Ils ont cette note là et ils ont la satisfaction de bien s’être auto évalué.
- si ils se donnent une note inférieure à celle que je leur aurais mise, ils gardent la note qu’ils estiment mériter.
- si ils se donnent une meilleure note que ce que je leur aurais donné. La on discute et c’est ouvert. Soit ils gardent la note que je leur aurais mis, soit ils ont ‘tenté un coup’ en se disant ‘aller peut être que ça passe’ et là, je diminue la note que je pensais leur donner et c’est cette note diminuée qu’ils gardent.
Bien entendu ils doivent argumenter le pourquoi de leur auto évaluation.
Après quelques sessions de ce type là, j’en retire différents enseignements qui ne sont pas forcément triviaux :
- une grosse partie de mes élèves ont tendance à se sous évaluer. Et à se donner une note inférieure à celle que je leur donne (et pourtant je ne suis pas réputé pour être gentil niveau notation) en disant ‘j’aurais pu mieux faire, etc etc’. (Je me demande à ce niveau là si ma réputation de prof sévère peut jouer tiens)
- un certain nombre, assez faible, s’auto évalue correctement et sait argumenter autant au niveau point fort que point faible.
- Il y a toujours un petit nombre qui ‘tente le coup’ et se sur-évalue totalement (et dans 99 % des cas ils savent totalement qu’ils se surévaluent).
- Le pourcentage de gens qui se sur-évalue à tendance à augmenter lorsque la taille du groupe augmente. Quand j’ai des groupes de 8-10 étudiants, c’est très rare d’avoir des sur-auto-évaluateurs, par contre dans un groupe > 20 je sais que je vais en avoir au moins 1 ou 2 et ça ne manque jamais.
- Plus le groupe est grand, plus les sur-auto-évaluateurs sont fiers de leur coups. Et du coup plus ils tendent de marchander quand je leur dit ‘ok , j’avais prévu de te mettre tant, mais comme tu sembles te moquer ouvertement des choses, tu auras du coup moins’.
Pour finir, peut être que vous vous demandez pourquoi je m’amuse à faire s’auto évaluer mes élèves ? Vous pensez même que c’est peut être par pur sadisme de ma part. Ça pourrait, mais non ce n’est pas le cas. Disons que je forme des gens qui sont sur des cursus bac + 4 ou bac + 5. Des gens qui auront un certain nombre de responsabilités dans leur métiers et qui vont devoir bosser en équipe. Il me semble qu’il est important pour de tel profils de savoir s’évaluer, d’être capable de savoir si le boulot qu’ils viennent de faire est bon ou pas. Et de pouvoir expliquer ce qui va et ce qui ne va pas. (et aussi d’avoir l’humilité de reconnaître que voilà, là ça va pas). L’auto évaluation de fin de session de cours me semble une bonne manière de les sensibiliser à cela. Et une bonne manière pas tellement impactante au final, cette partie de leur évaluation n’étant pas très fortement pondérée dans leur note globale.
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