Sep 182010
 

Ça faisait déjà quelques temps que je voulais écrire un tel article. Mais comme toujours, mes sujets de billet s’entassent en prenant la poussière dans un coin de ma tête.

Un ou deux accrochages avec des ‘libristes’ vouant aux buchers tout ceux qui oseraient demander de l’argent pour tout ce qui concernerait un projet libre de pré ou de loin avait accru cette envie d’écrire un tel billet.

Mais finalement le déclencheur fut un billet de Philippe Scoffoni et le fait de voir que j’écrivais des tartines en commentaires. Autant donc en faire un billet. Le voici.

Commençons par le principal. Libre ne veut pas dire Gratuit. Libre n’a jamais voulu dire gratuit. Il se trouve que que le principe d’accès au source pour les utilisateurs impliquent bien souvent le principe de gratuité des sources. Et c’est très bien. Mais d’une ce n’est pas une obligation. De deux, cela ne veut pas dire que tout doit être gratuit.

Une fois cela dit, la question qui vient c’est ‘mais pourquoi quelqu’un demanderait de l’argent ?’. Dans le cas où c’est une entreprise qui fait du libre, la réponse est claire. Ce n’est pas l’entreprise, personne morale, qui va coder du code avec ses petits doigts désincarnés de personne morale. C’est un salarié de l’entreprise qui va le faire. Et ce salarié, c’est tout sauf une personne morale. Il a un loyer à payer, un estomac à remplir, une connexion internet à conserver, voir même des enfants à nourrir. Il lui faut donc un salaire, payé par la gentille entreprise aux doigts désincarnés. Et donc l’entreprise elle doit faire une facture (toujours avec ses doigts fantomatiques) qu’elle enverra à son client.

Mais maintenant, prenons le cas d’un développeur quelconque ou d’une équipe de développeur quelconque. Qui code plus ou moins sur leur temps libre, le soir, la nuit, le week-end, pendant les vacances. ‘Ils vont pas nous gonfler’ allez vous dire, ‘ils codent pour leur plaisir, ils devraient déjà s’estimer heureux qu’on utilise leur logiciel, non mais’ allez vous même peut-être rajouter.

Curieuse posture que celle-ci, de l’utilisateur qui considère comme un hommage immense le fait qu’il daigne bien utiliser votre logiciel (qui part ailleurs va lui sauver les miches ou lui permettre de gagner des sous ou de faire ce qu’il avait toujours rêver de faire sans savoir comment le faire).

Mais en fait, peut-être que le frisson d’excitation du fait de savoir que vous au grand utilisateur vous utilisez son logiciel ne suffit pas au développeur. Peut-être que le fait que cela n’ensoleille pas suffisamment sa journée pour qu’il s’estime heureux. Et puis peut-être surtout qu’au bout d’un certains nombres d’heures passés à coder il aimerait bien une rémunération autre que votre gratitude non exprimée. Et que le nom de domaine, les déplacements lors de conférence pour parler avec d’autres développeur, le serveur qui héberge le site du logiciel, etc etc, ça lui coute un peu d’argent…

Donc notre développeur solitaire voudrait bien gagner des sous avec son logiciel libre. Et c’est son droit. Mais comment faire ?

Je vais essayer de lister les quelques idées qui me passent par la tête. (Bien entendu ces idées sont réutilisables par une société qui éditerait du libre). Alors bien entendu, tout n’est pas tout le temps applicable partout. On ne procédera pas de la même façon pour un logiciel de facturation, un plugin wordpress, joomla ou un jeu libre.

A vot’ bon coeur …

Je vais rassembler la dedans tout ce qui s’apparente, pour moi, à du don. Pour moi c’est, soyons clair, une méthode qui ne marche pas bien, voir pas du tout, à part dans certains cas bien précis (je pense que dans l’art pur, genre musique, ça marche mieux). Mais bon, c’est aussi la plus facile à mettre en place…

Le don, le vrai.

C’est la première chose à laquelle tout le monde pense quand on parle de monétiser un projet libre. Un bon gros bouton Paypal sur le site web du logiciel en question. En croisant les doigts pour que des gens, dans leur extrême bonté, fasse un don.

Le micro-don.

En passant par des plateformes prévues pour et qui permettront à vos utilisateurs de donner d’une façon simple, pour une multitude de donnée. On peut citer Flattr qui vous permettra de mettre en place ce mécanisme. L’intérêt d’une telle plateforme est de simplifier l’acte de don pour l’utilisateur.
Du coup, j’ai l’impression qu’une telle solution peut fonctionner bien mieux qu’une campagne de don. Parce que cliquer sur l’icône Flattr c’est simple, vraiment facile, on le fait presque sans y penser. (Et l’excellente idée de Flattr, de ‘forcer’ les gens à donner pour qu’ils puissent recevoir est tout simplement géniale).

Vendre

C’est peut-être, en tout cas pour un développeur qui n’est pas une entreprise, le plus difficile. Parce que vendre c’est compliquer. Et puis vendre quoi ?

Des early access

Dans l’article qui a déclenché mon envie d’écrire mon propre billet, l’exemple pris est celui de la vente d’un early access. En clair, si vous me donnez des sous, vous aurez mon logiciel avant ceux qui ne paie pas (dans l’exemple le principe était de ne pas avoir à attendre que le plugin wordpress dont il était question soit disponible sur la plateforme wordpress). J’aime beaucoup cette idée. Le ‘problème’ est qu’un des early acheteurs peut très bien redistribuer le logiciel qu’il a acheté. Dans un des commentaires du billet de philippe, l’auteur du plugin explique que si ça arrivait, il pourrait reconsidérer le fait de fournir son plugin en libre. Je ne suis pas d’accord avec lui. Pour moi, c’est ‘le jeu’ Tout comme il y a des gens qui vont récupérer leur logiciels proprios sur bittorent au lieu de les acheter. Et je n’ai jamais été pour le principe (dont sont né les DRM) d’emmerder l’ensemble d’une population donnée simplement pour essayer d’empêcher les agissements qui ne nous plaisent pas d’un petit nombre.

Un early acheteur propose la version qu’il a reçut en DL gratuit, le jour même où il l’a acheté ? Bah tant pis serais je tenter de dire. Ceux qui voudront avoir la version officielle ‘certifiée’ continueront à payer. Les autres … de toutes façon les autres n’auraient pas payer pour l’early access

Financer un travail futur

Que ce soit pour des ajouts de fonctionnalités, des migrations pour être compatible avec des versions nouvelles (comme pour les plugins wordpress) ou pour tout ce qui est dev potentiel, le financement par les utilisateurs me semblent être une excellente idée (c’est d’ailleurs une des solutions que l’on met en pratique, au boulot, mutualiser entre X entreprises le dev de fonctionnalité supplémentaires). Après il y a que deux choses à bien respecter :

  • être transparent sur la quantité de financement déjà reçu ou promis
  • être réaliste dans l’estimation du montant demandé.

Proposer des trucs en plus

  • Manuel papier
  • binaire distribué en version ‘boite’ (comprendre un binaire envoyé sur une clé usb ou un CD)
  • heure de support ou de formation
  • ressource en plus non indispensable mais intéressante (là par exemple je pense à des ressources graphiques ou autre pour de jeux. Par exemple un ensemble de cartes supplémentaires pour un wargame, des ressources graphiques en plus, etc etc)

Ce sont autant de possibilités, potentiellement difficile à mettre en place pour un développeur solitaire il est vrai, mais qui peuvent fonctionner.

Inutile, donc indispensable

Je ne pouvais pas clôturer ce billet sans parler de tout ce qui est goodies. Tee-shirt, Mug, stylo, que sais-je encore.

Honnêtement, je n’en parle ici que parce que je trouve cela rigolo et parce qu’au boulot on imagine  de temps en temps, pour rigoler, des tee-shirt ou des casquettes avec les logos ou les slogans de nos logiciels.

En fait à mon avis, les goodies c’est plus pour se faire plaisir soi-même qu’avoir un vrai retour sur investissement (bon y doit bien avoir des contre-exemples hein, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit).

Le radiohead style …

Dernier paragraphe, qui remplacera ma conclusion. Je n’ai pas parlé de comment fixer le prix, comment faire payer, comment fixer les modalités, etc etc. En conclusion, je voulais parler d’une manière de fixer les prix que j’aime beaucoup, c’est le radiohead style. Le principe est tout couillon. Dire à vos utilisateurs ‘tu veux acheter cette ressource ? Très bien, fixe toi même le prix’.

Ensuite à vous de décider si les gens peuvent acheter à 0 euros ou si il y a un prix minimum. A vous de décider aussi sil il y a une barrière maximum que les utilisateurs ne peuvent pas dépasser….

Mais j’avoue avoir un coup de coeur pour cette façon de faire (bien que je me demande comment ça se faire, comptablement après).

Et si.. je faisais une conclusion, après tout, pourquoi pas.

En fait ma conclusion ne sera qu’une reformulation de mon introduction… Parce que oui, il me semble important de dire, plutôt deux fois qu’une, qu’en temps que développeur de logiciel libre, on a le droit aussi, de vouloir manger autre chose que des patates.

Parce que oui la reconnaissance de ses pairs développeurs et des utilisateurs est importante. Oui, la satisfaction de voir son code utilisé, de voir que l’on est arrivé à créer, pour de vrai, quelque chose qui rend service à des gens est une sorte de paiement.

Mais mince, on a bien le droit d’espérer pouvoir récupérer quelques euros en échange des dizaines d’heures passées à travailler, nuit, week-end et vacances sur notre projet. Et puis on a même le droit de rêver que l’on va se mettre à son compte, pour vivre pour de vrai grâce aux revenus générés par ses créations libres. Et ça, ça demande de gagner de l’argent. Et donc d’avoir des utilisateurs ou des clients, qui vous rémunèrent. Et non, ce n’est pas sale. Même pas un peu.

  3 Responses to “Monétiser un projet libre ou comment faire payer les utilisateurs”

  1. […] This post was mentioned on Twitter by Philippe Scoffoni, Jean-Michel ARMAND and Luis Galindo, Maxime Maguire. Maxime Maguire said: Monétiser un projet libre ou comment faire payer les utilisateurs …: Parce que oui, il me semble important de di… http://bit.ly/b2oDRk […]

  2. Salux !

    Merci pour ce billet, je développe un logiciel libre “dans mon garage” et j’aimerais effectivement toucher une rémunération. Tu m’as donné une ou deux pistes 🙂

    • merci d’avoir pris le temps de déposer un commentaire.

      Ca me fait plaisir d’avoir pu être utile, surtout sur ce sujet qui me tient vraiment à coeur.

      Si tu veux en discuter plus, je suis dispo mail / twitter / IM 🙂

Sorry, the comment form is closed at this time.